La Poste a émis le 6 mai 2021 un timbre « Bibracte-Mont-Beuvray, Nièvre Saône et Loire ». Ce timbre se présente en bloc feuillet dont le cadre est illustré par un certain nombre d’artefacts celtiques (rouelle, carnyx…).
Au premier plan apparaît, sur l’avers d’une monnaie éduenne en argent que les numismates nomment quinaire (correspondant à un demi-denier romain), le profil stylisé d’un guerrier gaulois. Bien que l’épigraphie n’apparaisse pas il s’agit de la reproduction de la monnaie portant habituellement au revers, l’inscription Litavicos ou Lita. Les historiens s’accordent généralement pour attribuer ce monnayage au chef éduen Litavicos, partisan de l’indépendance, qui rallia Convictovitalis à sa cause lors de la bataille de Gergovie. Selon la courte biographie que lui consacre Fabien Régnier dans son ouvrage « les peuples fondateurs à l’origine de la Gaule » (ed Yoran Embanner), « c’est à lui que fut confiée la conduite de dix mille fantassins qui devaient rejoindre César devant Gergovie, mais il tenta de convaincre les soldats de se rallier à Vercingétorix. Il échoua et se réfugia dans la capitale arverne, puis il prit la tête de la cavalerie éduenne et tenta de soulever la cité. Les Eduens vendirent ses biens et ceux de ses frères, mais après, il réapparut à Bibracte ou il travailla à détacher les Eduens du parti de César. »
D’autres monnaies éduennes sont reproduites dans le cadre du bloc feuillet sans qu’il soit possible de les identifier formellement La plus connue des numismates est celle portant l’inscription Dubnocov, Dubnorex ou Dubno à l’avers et au revers la représentation d’un guerrier gaulois en arme
Les historiens attribuent avec certitude ce monnayage au chef éduen Dumnorix (« le roi du monde d’en bas » !), célèbre héros de la guerre des Gaules opposé au parti pro-romain, contrairement à son frère Divitiacos. On connaît le sort tragique de ce héros exécuté sur ordre de César pour avoir refusé de combattre contre ses « frères » bretons en clamant bravement qu’il était un homme libre et qu’il appartenait à un peuple libre !
En arrière-plan, on remarque la façade du musée dédié à la civilisation celtique, édifié à l’initiative du Président François Mitterrand en 1995, à la suite de la reprise des fouilles sur le Mont Beuvray en 1984. Ce musée construit au pied du Mont Beuvray, sur les plans de l’architecte Pierre-Louis Faloci comprend trois niveaux correspondant « aux strates archéologiques, du soubassement en pierre brute jusqu’à l’acier et au zinc de la toiture tandis que les parois de pierre polie et de verre suggèrent la longue durée et l’évolution des techniques » selon la présentation proposée dans le guide de visite de Bibracte
Toujours au premier plan, on distingue ce qui ressemble à des souches d’arbres aux formes tourmentées… Il s’agit des « queules » formées sur les flancs du Mont Beuvray par les haies plessées délimitant à l’origine les parcelles qui ont poussé de manière anarchique et qui, faute d’avoir été taillées, donnent au paysage forestier d’aujourd’hui un aspect irréel et fantastique.
Enfin, à l’horizon s’élève majestueusement le Mont Beuvray, aujourd’hui couvert de forêts, l’ancienne Bibracte, capitale des Éduens, l’un des plus hauts monts du Morvan qui domine la vallée de l’Arroux du haut de ses 821 mètres.
Cet oppidum des IIe et Ier siècles avant notre ère est un lieu emblématique de notre histoire puisque c’est à cet endroit que Vercingétorix a scellé l’union des peuples gaulois contre l’envahisseur romain. C’est à cet endroit que Jules César, après la victoire d’Alésia, achèvera la rédaction de ses commentaires sur la guerre des Gaules pendant l’hiver 51.
Le Mont Beuvray a été identifié assez tôt à l’oppidum de Bibracte, notamment dès 1850 grâce à Jacques-Gabriel Bulliot, puis aux fouilles archéologiques entreprises par ce dernier à l’initiative de Napoléon III en vue de la rédaction de son ouvrage sur Jules César. Ces fouilles poursuivies par son neveu Joseph Déchelette furent interrompues en 1914 pour n’être reprises qu’en 1984.
Elles ont révélé une ville du 1er siècle avant J.C. d’une superficie de 200 ha, à l’origine, réduite à 135 ha, entourée d’un « murus gallicus » pouvant accueillir 5000 à 10 000 habitants avec notamment son quartier d’artisans et d’habitations que les historiens n’hésitent pas aujourd’hui à qualifier de ville « pré-romaine». Les très nombreux tessons d’amphores, les centaines de monnaies retrouvées sur le site témoignent de l’intense activité artisanale et commerciale avec le monde romain. On se rappellera que les Éduens étaient devenus « frères et consanguins » du peuple romain, depuis l’an 124 avant J.C.
Après la défaite d’Alésia, la ville fut progressivement abandonnée et transférée, à partir de l’an 15 avant J.C., à 25 km dans la ville dédiée à l’empereur Auguste, Augustodunum devenue Autun.
Les fouilles se poursuivent encore aujourd’hui et réunissent des chercheurs de toute l’Europe. Récemment, a été mis au jour un site authentiquement celtique avec ses trous de poteaux. Temple, forum, centre d’activité ? Les archéologues s’interrogent sur la destination de cet ensemble monumental.
C’est ce site exceptionnel et ce musée réunissant les résultats des fouilles depuis 1865, que je proposerai aux Amis des Études Celtiques de visiter dès que les travaux d’extension actuels seront terminés et que les conditions sanitaires le permettront le samedi 4 juin 2022
Jean-Louis Alliot
Vice-président de la SFAY (Société des Fouilles Archéologiques de l’Yonne)
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